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Société d’étude des langages du politique (SELP),
Centre d’étude des discours, images, textes, écrits, communications (CEDITEC EA 3119, Université Paris-Est)
Etudes du monde hispanique (LISAA-EMHIS, EA 4120 Littérature, savoirs et arts, Université Paris-Est)

Avec le soutien de :
l’Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine (Université Paris3-Sorbonne-Nouvelle),
l’Institut universitaire de France, le Centre d’analyse du discours (Université Paris13-Villetaneuse)


Les discours politiques en Amérique latine:
filiations, polyphonies, théâtralités

Colloque international, Université Paris-Est

12 - 14 Février 2009

CEDITEC, LISAA, SELP

Avec le soutien de

IHEAL Institut des Amériques, Mots



Articles, communications et documents

Première séance : Figures fondatrices,

inventions et reconstructions


Dominique Maingueneau, Professeur, Université Paris-Est, CEDITEC, IUF.
Introduction : A propos des liens « discursifs » entre France et Amérique latine.
(Lire ici la communication de Dominique Maingueneau)

Louise Bénat-Tachot, professeure, Université Paris-Est, EMHIS-LISAA EA 4120.
De la citation à l’invocation : étude de la rhétorique des mentions de José Marti et de son œuvre dans les discours de Fidel Castro.

L’œuvre de Marti constitue dans l’histoire politique cubaine un véritable « arsenal de munitions ». De nombreuses études ont souligné le paradoxe qui veut que le Précurseur soit à la fois l’Apôtre selon Fidel Castro et que la radio des exilés cubains de Miami entrés en résistance s’appelle radio Marti. Ce phénomène révèle la complexité d’une telle évocation. On s’attachera à étudier les dispositifs rhétoriques mis en œuvre par Fidel Castro dans le jeu des mentions de José Marti, leur force pragmatique et leur valeur de doxa politique. Cette communication a été pensée conjointement avec celle de Louise Nancy Berthier.
(Article publié dans la revue Mots, numéro 93, juillet 2010)

Nancy Berthier, Professeure, Université Paris-Est, EMHIS-LISAA EA 4120.
Fidel Castro et la « mise en corps » du discours : la  relation iconique.

Les discours politiques de Fidel Castro depuis 1959 sont restés célèbres tant pour leur rhétorique que pour leur « mise en corps » (voix, corps, gestuelle, rituel et dispositif représentatif, rapport à l’auditoire). Celle-ci, fondée sur une « relation iconique » unique dans l’histoire politique contemporaine, est mise en scène de manière exemplaire par un film du cinéaste cubain Tomás Gutiérrez Alea, Asamblea general, réalisé en 1960 et produit par l’ICAIC (Instituto Cubano de Arte e Industria Cinematográficos), créé en 1959. Le réalisateur a filmé à chaud, en septembre 1960, l’un des discours fondateurs de Fidel Castro, prononcé lors de la première Assemblée générale du Peuple de Cuba (discours plus connu sous le nom de Première Déclaration de la Havane, cf La primera y segunda Declaración de La Habana, New York, Pathfinder, 2007) et, à partir d’un montage nerveux (de l’image et de la bande son), a su, en une quinzaine de minutes, fixer les grandes figures de la « relation iconique » qui caractérisera pendant plusieurs décennies la « mise en corps » des discours de Fidel Castro. L’objectif du cinéaste, dans cette mise en scène de la Première Déclaration de La Havane, est, au-delà de l’événement singulier dont il rend compte, de faire apparaitre un dispositif fondé sur un rapport place/orateur/foule, dont la fonction est, en ultime instance, de cautionner un modèle démocratique particulier. Après une brève contextualisation du discours de Fidel Castro et du film, nous nous attacherons à analyser les modalités de la relation iconique à partir de ses trois principales composantes : la place, la figure de l’orateur et le peuple.
(Communication non disponible)

Jean-Henri Madeleine, doctorant, Université Paris-Est, EMHIS-LISAA EA 4120, EHESS.
Réincorporation textuelle et nationale d’une figure archaïque dans le discours politique en Amérique centrale : « Guerrillero proeitario » de Carlos Fonseca

En septembre 1971, Carlos Fonseca, l’un des créateurs du FSLN, en exil à Cuba, écrit l’un des premiers pamphlets qui placent de façon concrète la figure de A.C.Sandino au centre du discours politique des sandinistes de la deuxième génération, “Sandino, Guerrillero Proletario” (diffusé dans la revue “Tricontinental” à la fin de l’année 1971, et clandestinement au Nicaragua dès 1972). L’analyse de ce texte revêt un double intérêt : tout d’abord parce qu’il se situe, chronologiquement au seuil des écrits « d’invocation » de la figure de Sandino dans les années 1960-1970 au sein du mouvement guévariste qu’est le FSLN à ses débuts, et de ceux des années 1972-1975, écrits d’« incorporation » des textes de Sandino à la pensée de Fonseca dans ses oeuvres majeures ( cf. « El ideario político del general Sandino », « Cronología de la resistencia sandinista » , « Crónica secreta: Augusto César Sandino ante sus verdugos », enfin « Viva Sandino » ). En second lieu, parce qu’il s’offre aussi comme un « objet transitionnel » en ce qui concerne les modalités concrètes de recours à la « figure archaïque » de A.C.Sandino dans le discours politique révolutionnaire. Avec « Sandino, Guerrilero Proletario », on passe en effet d’une connaissance intermédiée et seconde du personnage de Sandino — dont l’histoire et les textes ne sont connus des dirigeants, et des militants du FSLN, que par les œuvres de mèdiateurs ètrangers, comme l’espagnol Ramon de Belaustegauitia ou le citoyen des USA Carleton Beals ou Gregorio SELSER, journaliste argentin auteur du Pequeño Ejército Loco et du General de Hombres Libres, oeuvre publiée par les cubains dans les années 60 à plus de 400.000 exemplaires — à une analyse textuelle directe suite à un véritable travail de récupération du corpus originel ( manifestes, lettres, correspondance, etc. ) de A.C. Sandino par les militants du FSLN dans toute l’Amérique latine entre 1972 et 1975, sur ordre de Carlos Fonseca, ce qui donnera également lieu à la rédaction des œuvres citées antérieurement. Ainsi l’étude de « Sandino, Guerillero Proletario » permet à la fois de mettre en lumière les mécanismes concrets de construction intertextuelle d’une figure archaïque instrumentalisée dans le discours d’un dirigeant révolutionnaire de poser la question de l’épuisement de cette dynamique, d’« iconicisation externe » et de la nécessité du passage à un examen et une critique des textes originaires par ce mê me dirigeant, enfin, d’aborder la question de la réception et du statut de ce texte dans la dynamique de « doxologisation » de la figure de Sandino et celle de Fonseca (mort en 1976) durant la période d’hégémonie politique du FSLN entre 1979 et 1979.
(Article publié dans la revue Mots, numéro 93, juillet 2010)

 

Deuxième séance : Nation, nationalisme, nationalités,  figurations de l’identité.

Henri Boyer, professeur, Université de Montpellier, DIPRALANG.
Eloge du bilinguisme castillan-guarani et célébration de la nation paraguayenne : quelques considérations sociolinguistiques.

Après une longue dictature, le Paraguay s'est doté en 1992 d'une constitution démocratique qui proclame le pays bilingue (et pluriculturel), reconnaissant ainsi officiellement au guarani (paraguayen, identifié souvent au « yopará ») son statut de langue majoritaire dans la communication sociale ordinaire — y compris un certain discours politique — bien que minorée du point de vue sociolinguistique. On est cependant fondé à se demander si cette proclamation de bilinguisme n'est pas un compromis susceptible de faire pièce aux tenants d'une totale reconnaissance de la réalité démolinguistique favorable au guarani, en perpétuant ainsi le mythe de la fusion charnelle du Colonisateur et de l'Indienne comme acte fondateur de la nation paraguayenne, au risque de maintenir une diglossie favorable au castillan, donnant au nationalisme culturel-linguistique paraguayen un contenu problématique. Ainsi les discours épilinguistiques tenus à l'occasion de la rédaction de la nouvelle constitution ont mis en évidence les tensions qui continuent d'habiter l'imaginaire ethnosocioculturel paraguayen et que ne manqueront pas de réactiver les débats autour du vote annoncé d'une Ley de Lenguas, dans le cadre d'une nouvelle ère politique.
(Lire ici la communication d’ Henri Boyer)

Daniel Iglésias, doctorant, Université Denis Diderot-Paris 7 / SEDET.
La fabrication d’un nationalisme transnational : le discours d’intégration régionale de l’Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine (A.P.R.A.).

Les études sur les partis politiques populaires de tendance apriste selon les typologies proposées par Torcuato Di Tella (« Partidos del pueblo en América Latina. Revisión teórica y reseña de tendencias históricas » Desarollo Económico, Buenos-Aires, Instituto de Desarollo Económico y social, janvier-mars 1983), ou Robert Alexander( Alexander Robert J., « The Latin American Aprista Parties », Political Quarterly, n°20, 1949, p.236-247) ont longtemps privilégié les approches discursives. Cependant, elles ont sous-estimé l’interaction entre le programme unitaire de l’A.P.R.A et l’émergence d’un renouveau nationaliste en Amérique latine dans les années 1920. Dans le présent travail nous essayerons de montrer que l’A.P.R.A peut être lu comme un réseau transnational producteur d’un discours nationaliste pour l’Amérique latine. Examinant pour cela le concept de révolution proposé par ce mouvement à la lumière de sa dimension sociopolitique, c'est-à-dire comme le reflet d'un processus de construction symbolique et d’un ordre signifiant, nous nous proposons d’expliquer la nature d’un projet discursif à portée révolutionnaire. Partant d’une analyse du rôle des liens interpersonnels et des revues politiques dans la construction d’un discours révolutionnaire, nous tenterons de démontrer dans un premier temps que cette prétention unificatrice répond à des impératifs institutionnels et à des enjeux de pouvoir locaux et continentaux. Puis, une fois isolé le mécanisme qui produit cette action collective à portée discursive, nous veillerons dans un second temps à expliciter le concept de révolution apriste en expliquant la relation qu'il entretient avec le nationalisme et une dimension programmatique articulée au niveau local et global. Nous prétendons ainsi montrer comment ce nationalisme transnational demeure avant tout le reflet d’une dynamique sociopolitique où la révolution est considérée comme une dualité locale - globale, discours - pratique, petite nation - grande nation.
(Lire ici la communication de Daniel Iglesias)

Morgan Donot, doctorante, Université Sorbonne nouvelle, IHEAL.
Le discours présidentiel de Néstor Kirchner, symbole de la consolidation démocratique argentine:  entre tradition péroniste et nouvelles formes de politique.

On peut discerner de nombreux héritages dans les discours de Néstor Kîrchner, dont celui bien évidemment du péronisme historique et de la figure tutélaire de Juan Domingo Perón. Mais, ces discours mettent aussi en évidence une redéfinition des valeurs péronistes davantage centrées sur Evita et les Montoneros, afin de s’opposer clairement à Carlos Menem, président de l’Argentine de 1989 à 1999 et qui a transformé ce mouvement historique, en le faisant passer de la gauche à la droite de l’échiquier politique. S’il est vrai que Néstor Kîrchner est probablement le président péroniste qui a le moins revendiqué l’héritage de Juan Domingo Perón, il a indiqué que son projet devait être considéré comme la continuation de ceux des grandes figures de l’Argentine. Dans un de ses discours de campagne pour les élections législatives de 2005, il a appelé les jeunes générations à « reconstruire le pays dont rêvaient San Martín, le général Perón et l’inoubliable, la guide spirituelle que sera toujours Eva Perón ( « Nuestra lucha es la de San Martín, Perón y Evita», Clarín, 11 août 2005). De plus, Néstor Kîrchner s’est posé en nouvel arrivant, en outsider : n’évoquant presque jamais son histoire politique au cours des vingt-cinq dernières années ni son expérience comme gouverneur de Santa Cruz, il semble avoir été, en quelque sorte, politiquement absent jusqu’à son élection, s’octroyant pour seul passé son appartenance à la « génération décimée », celle des jeunes mobilisés des années 1970 et persécutés par la dictature : « Nous faisons partie de cette nouvelle génération d’argentins » ( Discurso del Señor Presidente de la Nación ante la Asamblea Legislativa, en la Apertura de las 123e Sesiones del Congreso, Presidencia de la Nación, 25 mai 2003). Néstor Kîrchner a donc réussi à se présenter à la fois comme le représentant d'une «nouvelle génération » et comme l'héritier d'une mémoire sociale que le ménémisme avait délaissée.Le corpus sera constitué par les quatre discours que le président Kîrchner a prononcés devant le Congrès de la Nation Argentine, ces discours annuels étant le principal rituel de la démocratie de ce pays. L’analyse de ses allocutions devant l’Assemblée Nationale permet de comprendre ses choix idéologiques et stratégiques. Une comparaison des discours des différents présidents argentins depuis la transition à la démocratie, éclaire la manière dont Néstor Kîrchner se démarque de ses prédécesseurs, tout en conservant des traits propres à l’éloquence politique. Les différences dans l’utilisation du vocabulaire sont suffisamment marquées pour mettre en évidence la volonté de Kîrchner de rompre avec une manière de dire la politique – et avec une manière de faire de la politique. Dans un premier temps, on s’appuiera sur une analyse lexicométrique des discours afin de mettre en évidence les contrastes entre les différents présidents argentins qui se sont succédés depuis la transition à la démocratie — tout particulièrement Carlos Menem — et Néstor Kîrchner. Dans un deuxième temps, une analyse du contenu des discours de Néstor Kîrchner permettra d’en établir les traits idéologiques dominants, les représentations sociales, la corrélation avec les mythes fondateurs du pays.
(Article publié dans la revue Mots, numéro 93, juillet 2010 ; Voir ici le diaporama)

Melliandro Mendes Galinari, Enseignant-chercheur, Université fédérale du Minas Gerais (UFMG).
Le chant orphéonique de Villa-Lobos dans le gouvernement Vargas (Brésil, 1930-1945)

Nous proposerons une analyse discursive du chant orphéonique disséminé dans la société brésilienne pendant les années connues comme « A Era Vargas » (1930-1945). Ce chant constituait une partie de l'enseignement de musique instauré dans les écoles par l'État et dirigé par Villa-Lobos. Le chant collectif, avec ses hymnes nationaux et / ou ses chansons patriotiques, était aussi destiné à être exécuté par de grandes concentrations chorales lors d’événements solennels et de commémorations publiques décidées par le gouvernement. Avec cette analyse, on soulignera la contribution de ces compositions à la formation d'un citoyen adapté aux exigences politique, économique et idéologique de l'État, à travers l'élucidation de quelques stratégies et des dimensions politico-discursives qui sont perceptibles dans la matérialité textuelle et musicale. On se situera dans la perspective de l'Analyse du Discours et des Théories de l'Argumentation, ainsi que dans un dialogue avec les travaux de Patrick Charaudeau (1982 et 1994) et de Ruth Amossy (2006). Cette communication se donne pour but d’apporter une meilleure compréhension du fonctionnement du discours orphéonique dans son contexte de circulation — populiste et autoritaire — et, en outre, de permettre une critique de la « tradition musicologique brésilienne » et de la « culture officielle », qui insistent sur la non-pertinence de l’approche politique de la relation entre l’État et Villa-Lobos.
(Lire ici la communication de Melliandro Mendes Galinari)

Troisième séance : Figures et positions politiques dominantes.

Medofilo Medina, professeur émérite, Universitad Nacional, Bogota.
Las referencias ideológicas en la construcción de la ideología del chavismo.

(Communication non disponible)

Miguel Espar Argerich & Doris Cunha, chercheurs, Université Fédérale du Pernambouc
Dialogisme et politique: construction et évolution du discours du Partido dos Trabalhadores (PT) au pouvoir au Brésil (1980-2006).

À l’heure où, dans les pays les plus avancés, la question du contenu idéologique des actes, des discours et des actes de discours est moins que jamais « à la mode », il a semblé intéressant d’appliquer les grilles de lecture issues de la théorie bakhtinienne à un discours de propagande politique qui échappe, dans son propre pays, aux moyens de communication et aux médias constitués, presse écrite, radio, télévision. Fortement démocratique et anti-libéral, ce discours a acquis une prise sur le réel (le Parti des Travailleurs étant au pouvoir depuis 2003) et, pour cette raison même, il constitue actuellement l’enjeu de luttes sociales et politiques ouvertes.
Cette communication présente les résultats de l’analyse d’un corpus constitué de quatre textes : 1 ) Le Manifesto du parti, du 21 octobre 1980, texte fondateur que nous mettrons en relation avec les trois autres ; 2 ) la Carta de Princípios, du 1er mai 1979, déclaration de principes des dirigeants syndicaux de la métallurgie appelant à la fondation d’un parti des travailleurs ; 3 ) les conclusions (septembre 2006) du IIIe congrès national du Partido dos Trabalhadores ; 4 ) les actuels Statuts du parti.
La méthodologie s’inspire de la comparaison des textes à ces différents moments : partant des unités lexicales et des formes énoncées rapportées à la situation historique et sociale, on a extrait diverses opérations sémantiques des choix et des associations de mots ainsi que des échos de la mémoire collective de la jeune démocratie brésilienne. Le dépouillement qualitatif du corpus sur le mode de l’analyse de discours permet de relever des convergences et des divergences entre les textes fondateurs et certains des plus récents. Leur mise en relation permet de conclure que le discours du PT est resté fidèle à ses propositions radicales des origines mais qu’en « modernisant » ses thématiques et ses formulations pour élargir sa base électorale aux classes moyennes, il a gommé l’accent mis naguère encore sur la lutte des classes, ainsi que les formules traditionnellement attachées à la rhétorique révolutionnaire.
(Article publié dans la revue Mots, numéro 93, juillet 2010)

Christine Delfour, professeure, Université Paris-Est, EMHIS-LISAA EA 4120.
Le discours d'Evo Morales : entre radicalisme discursif et pratiques réformistes

Au premier abord, le discours de Morales est un discours de rupture radicale. Rupture en ce qui concerne le locuteur : celui qui parle est un indien, aymara, syndicaliste cocalero. Rupture sur l’imaginaire socioculturel : c’est la mise en scène de l’imaginaire d’une « seconde République » aux antipodes de la République libérale de 1825. Rupture programmatique : les nouvelles stratégies économiques et sociales sont aux antipodes du néo-libéralisme. Rupture enfin, en termes de rhétorique : recours à une façon de parler à la fois spontanée, efficace voire brutale qui peut donner une impression de « bricolage » dans la mesure où les dispositifs classiques de la rhétorique sont malmenés. Pourtant le discours de Morales n’est pas isolé. Il s’inscrit dans la multiplicité des discours ambiants : les discours de l’opposition ; le discours des politiques sympathisants du MAS ; le discours enfin du peuple, des gens rencontrés dans la rue, des femmes et des hommes, sortis de l’ombre et de l’anonymat, fiers de leur origine, enfin capables d’affirmer leur identité. Le discours d’Evo Morales se présente à la fois comme un discours de rupture (parfois menaçant) mais aussi comme un reflet et une amplification de nouveaux discours ambiants dans une Bolivie en refondation. Notre analyse repose sur un certain nombre de présupposés aujourd’hui assez largement partagés. 1) Le discours (politique) ne peut être isolé des autres discours que nous avons qualifiés d’ « ambiants ». 2) Le discours (politique), par suite, doit être analysé dans un continuum où le locuteur et le récepteur sont en interaction continuellement renouvelée. 3) Parce qu’il vise à donner du sens à la réalité sociale, parce qu’il entend maîtriser les phénomènes politiques, économiques et sociaux, parce qu’il cherche à « réenchanter » le monde, le discours politique relève, en partie, du mythe
C’est un grand récit qui propose une explication globale du monde (c’est le premier temps de notre démonstration : « Comprendre : le nouvel imaginaire bolivien collectif »). C’est un grand récit qui propose des alternatives de vie, tout particulièrement pour les opprimés (deuxième temps : « Agir : les stratégies politiques, économiques et sociales de Morales »). C’est un grand récit, enfin, qui se déroule selon des modalités rhétoriques qui reprennent des dispositifs classiques tout en bouleversant leur rôle et leur poids respectif (troisième temps : « Comment convaincre : les procédés rhétoriques »).
(Lire ici la communication de Christine Delfour)

María Fernanda Gonzáles, postdoctorante, IFEA (Institut français d’études andines, Lima) et Université Paris-Est, CEDITEC,
Pierre Fiala, maître de conférences, CEDITEC, Université Paris-Est.
Le langage Chavézien dans la nouvelle gauche andine: Colombie et Pérou.

Cette étude sur le discours politique de la nouvelle gauche dans la région andine se donne pour objectif d’examiner en détail l'écho du discours bolivarien dans le discours chavézien. A l’aide de la lexicométrie, on analyse les éléments représentatifs de ce discours et leur évolution depuis dix ans. On systématise les références les plus importantes en cherchant notamment si les principes se réfèrent à la vieille gauche ou sont plutôt des postulats réformateurs. On se demande aussi ce que sont les principales revendications de cette nouvelle gauche; dans quelle mesure les postulats du Libertador Simon Bolivar, évoqués par le discours chavézien comme source d’inspiration, constituent une alternative nouvelle pour la gauche andine. Pour mesurer l'écho du discours bolivarien dans les pays andins, l'analyse quantitative se fondera sur trois corpus qui permettront de répondre aux principales questions : un choix de discours représentatifs du Président Hugo Chávez. Cette communication s’inscrit dans une étude plus générale visant à cerner les perspectives d’une nouvelle gauche andine à travers un ensemble de discours chavézien, de discours du Polo Démocratico colombien, et un autre du Parti Nationaliste Péruvien. Les textes fondant cette étude sont choisis selon trois bases génériques : les déclarations internes de chaque formation politique (textes de stratégie politique); des entretiens représentatifs réalisés par les idéologues et dirigeants des différents partis; enfin, une série de communiqués de presse.
(Article publié dans la revue Mots, numéro 93, juillet 2010)

Eglantine Samouth, doctorante, Université Paris-Est, CEDITEC.
La référence à Bolívar dans la presse vénézuélienne contemporaine à travers l’adjectif bolivariano.

Le culte voué au Libertador, l’une des grandes figures de l’indépendance latino-américaine, est encore très présent dans de nombreux pays du continent, et plus particulièrement au Venezuela, sa terre natale. Cette figure a souvent été utilisée en politique, et Hugo Chávez n’est pas le premier président vénézuélien à raviver le « mythe bolivarien » (GÓMEZ Alejandro, « L’épée du Libertador dans l’idéologie des révolutionnaires bolivariens », Problèmes d’Amérique Latine, n° 60, 2006, p. 95 à 113). Depuis son élection, en 1999, la référence au héros est devenue omniprésente : le pays se nomme désormais República bolivariana de Venezuela, Hugo Chávez prétend mener la Revolución bolivariana, il incite ses citoyens à former des círculos bolivarianos, etc. L’adjectivation du patronyme de Bolívar nous semble par conséquent une piste de recherche intéressante pour analyser l’héritage du mythe bolivarien dans la société vénézuélienne. Ainsi, nous nous proposons d’étudier, dans une perspective d’analyse du discours, l’utilisation de l’adjectif bolivariano dans la presse vénézuélienne contemporaine à travers un corpus de trois quotidiens, constitué autour de la tentative de coup d’Etat perpétrée contre Hugo Chávez en avril 2002. Nous nous intéressons tout d’abord à la reprise, par le discours médiatique, des syntagmes « créés » par le Président vénézuélien à partir de l’adjectif bolivariano (« Revolución bolivariana », « círculos bolivarianos »). Sont-ils devenus des formules – ce terme désignant « une expression lexicale, le plus souvent un syntagme nominal (…) à caractère néologique, qui renvoie à une notion ayant joué sur le plan idéologique un rôle fondateur et actif dans une situation historique » (CHARAUDEAU P. et MAINGUENEAU D. (dir.), Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil, 2002, p.274)? Nous observerons enfin l’évolution du contenu sémantique de l’adjectif bolivariano, qui sert également à qualifier, plus généralement, tout ce qui se rapporte au mouvement « chaviste » et à ses partisans, se chargeant ainsi d’une nouvelle valeur axiologique (« brigadas bolivarianas », « francotiradores bolivarianos »). Nous nous appuierons pour ce point sur les travaux d’Ernesto Laclau sur le phénomène d’ « hégémonie » (La guerre des identités. Grammaire de l’émancipation, Paris, La Découverte, 2000, traduit de l’anglais pas Claude Orsoni, p.103.): est-on en présence de ce qu’il appelle un « signifiant vide »? L’étude du terme bolivariano permettra donc de faire apparaitre trois niveaux d’analyse : dans un premier temps, la référence au mythe bolivarien dans le discours chaviste; dans un deuxième temps, la référence au discours de Hugo Chávez dans le discours de la presse vénézuélienne; enfin, le discours de la presse lui-même intégrant ces deux niveaux de référence. La question de la mémoire discursive sera, par conséquent, une préoccupation centrale de cette réflexion.
(Article publié dans la revue Mots, numéro 93, juillet 2010 ; lire ici le diaporama)

Quatrième séance : Ethos et Pathos ; narrations et persuasions.

Ida Lucia Machado, Professeure,  UFMG, FALE &
Lula et son « récit de vie »: rien qu’une stratégie argumentative?

Notre communication analyse le rôle du « récit de vie » présent dans deux discours du politique Luiz Inácio Lula da Silva lors de sa prise de fonctions comme Président de la République du Brésil. Nous proposons de comparer la structure de construction et de présentation de l’histoire personnelle de Lula dans deux de ses discours : le premier prononcé en 2003 (premier mandat); le second, en 2007 (2è mandat). Nous prenons en considération deux catégories qui caractérisent le récit proprement dit : celle du personnage et celle du thème. Pour ce qui est de la première catégorie, on observe que, dans le premier discours, Lula ne lie guère sa victoire à sa trajectoire de vie. Il ne se sert pas, par exemple, de la première personne du singulier et se positionne derrière un « nous » fédérateur (référant à « moi président », « vous qui m’avez élu » et « notre pays, le Brésil »). On ne trouve qu’une exception, mais qui lui permet d’attester sa capacité à promouvoir le changement requis par le peuple. En revanche, dans son second discours, Lula utilise dès la première ligne un « je » ancré non plus dans l’Histoire collective du pays mais dans son destin personnel : le Président parle de lui-même, de son histoire, pour l’identifier à celle de son pays et de son peuple. Ainsi, par métonymie, la « petite » histoire de l’individu est convoquée pour représenter la « grande » Histoire d’une nation. L’emploi du « nous » se fait plus rare ici. Lula devient le Brésil et le Brésil devient Lula. Nous cherchons ainsi à identifier les liens entre « vie personnelle » et « vie publique » du Président du Brésil et nous espérons montrer que l’appel au discours de vie peut pointer vers une forme de « publicité populiste », mais aussi produire l’effet contraire : la sincérité, alliée à la simplicité du dit a beau être une stratégie de séduction, liée au pathos, elle peut également dévoiler le vrai ou le vraisemblable. Le travail s’appuie sur une analyse du discours empirico-déductive (s’inspirant en cela du modèle prôné par quelques théoriciens du discours, notamment Patrick Charaudeau). On entreprend une analyse contrastive entre le discours de 2003 et celui de 2007 à partir de la macro-catégorie qu’on a appelé récit de vie ; celle-ci fera ensuite l’objet d’un découpage formel en deux sous-catégories : le personnage et le thème. Le parcours méthodologique associe des concepts de l’analyse du discours dite sémiolinguistique à des notions issues des analyses argumentatives de Ruth Amossy — en d’autres mots, il se situe dans la rencontre entre l’AD et l’argumentation.
(Lire ici la communication de Ida Lucia Machado)

Wander Emediato, Enseignant- chercheur, UFMG
Le discours politique en Amérique latine entre pratiques, polémiques et mise en scène de l’identité : Lula, Morales, Chavez.

L´Amérique du Sud est un espace géopolitique qui suscite de nombreuses représentations. Les unes sont très homogènes et relèvent de stéréotypes identitaires qui tournent autour de la désignation Amérique Latine, alors que les autres se révèlent hétérogènes au point de destituer la région de son apparente unité au profit d´une analyse ponctuelle de chaque pays. Certes, les pays sud-américains ont une identité à partager, revendiquée surtout dans le champ politique (l´intégration culturelle et politique latino-américaine, la gauche latino-américaine etc.) et, de nos jours, plus fortement dans le champ économique (l´intégration économique du Mercosur). Les élections du XXIè siècle ont mis en évidence une certaine conscience sociale qui réclame des changements au sein du pouvoir politique et qui va vers le désir de changement, au détriment de la droite conservatrice et au profit de la gauche. Néanmoins, la façon dont les élus de gauche conceptualisent et réinterprètent les fondements de la gauche est loin d´être homogène car chaque élu énonce et agit dans une conjoncture historique, politique et économique particulière. Une réflexion qui ambitionne une meilleure compréhension du discours politique en Amérique Latine aujourd’hui exige de l´analyste une méthode qui puisse rendre compte du lien indissociable entre les aspects objectifs de la conjoncture (économique, politique) des pays concernés et les aspects plus subjectifs de la parole des hommes politiques qui se maintiennent dans des positions énonciatives polémiques. La compréhension de l’interaction entre l’économique et le politique est essentielle à celle du discours politique dominant dans chaque pays et des stratégies discursives des élus locaux. Par exemple, les stratégies de justification de l´agir sont très différentes si l´on analyse le discours de Lula ou de Chávez : celui-ci se réclame du socialisme révolutionnaire, alors que celui-là se caractérise par un pragmatisme économique présenté comme essentiel au progrès social. Quoi qu´il en soit, le contexte économique sud-américain, très hétérogène de nos jours et aussi dans l´histoire, contribue fortement à l´organisation actuelle des positions énonciatives des élus dans le champ politique de ces différents pays en définissant des identités et en les plaçant dans un jeu de figuration polémique et théâtrale. Notre intervention aura pour but de mettre en évidence la façon dont chaque acteur politique essaie de mettre en scène, par son discours, une justification de son agir politico-administratif et de sa filiation à la gauche. Cette analyse sera conduite surtout à l´aide des discours des trois présidents élus, Lula, Morales et Chavez lors de leur investiture à la présidence. D´autres énoncés seront aussi commentés, comme l´affaire de la polémique entre le Congrès National brésilien et Chavez traitant celui-ci de perroquet des États-Unis. La méthodologie s´organisera autour de concepts de la théorie de l´argumentation de Chaïm Perelman (les valeurs, les hiérarchies et les lieux communs) et de la théorie des sujets du langage de Patrick Charaudeau selon qui parler de la communication humaine, c´est parler, avant tout, de l´identité du sujet parlant et de son droit à communiquer. Notre démarche consistera, donc, à identifier, dans le corpus, les prémisses de l´argumentation de ces hommes politiques pour ensuite interpréter leur fonction identitaire et stratégique.
(Lire ici la communication de Wander Emediato)

Myriam Hernández, M2, Université Paris1-Panthéon
Le discours de Michelle Bachelet pendant sa campagne à l'élection présidentielle (Chili, 2006).

A la suite d’un mémoire intitulé « Étude comparative des campagnes présidentielles de Michelle Bachelet (2006) et Ségolène Royal (2007) », nous nous proposons de caractériser le discours de Michelle Bachelet tout en analysant son rapport avec la stratégie de la candidate de la Concertation : l’Alliance des partis de centre gauche, intégré par la Démocratie Chrétienne (DC), le Parti Socialiste (PS), le Parti Pour la Démocratie (PPD) et le Parti Radical Social Démocrate (PRSD). Nous partons de l’analyse de discours politique qui met l’accent sur le récit construit dans le texte. Nous réalisons notre étude en utilisant l’approche de D. Bertrand, A. Dézé et J-L. Missika (Parler pour gagner. Sémiotique des discours de la campagne présidentielle de 2007, Éditions Presses de Sciences Po, Paris, 2007). Ces auteurs envisagent la relation qui se noue entre les candidats et les électeurs à travers la parole en termes de passions mobilisées. Leur hypothèse est qu’en combinant sémiotique et sociologie politique, il est possible d’offrir un éclairage nouveau sur le genre politique de la campagne électorale. Face au modèle de l’intrigue proposé par Christian Le Bart, les mêmes auteurs fournissent un autre niveau de lecture du récit, lecture établie à partir du positionnement des candidats, des perspectives narratives, du « faire savoir » et du « faire croire », des dimensions émotionnelles et passionnelles. Nous envisageons les dimensions émotionnelles et passionnelles pour analyser le discours de campagne de Michelle Bachelet. Ainsi, on en présentera les principales caractéristiques du point de vue du contenu : proximité avec les électeurs, teneur parfois mythique des propos, place des femmes, incarnation de la nouvelle société chilienne, renouvellement de la politique, clivage autoritarisme vs démocratie... Il existe une concordance entre le discours de Michelle Bachelet, sa stratégie de campagne, l’acte de proclamation, et les caractéristiques que les électeurs lui reconnaissent.
(Lire ici la communication de Myriam Hernández)

Silvia Gutiérrez Vidrio, UAM, Mexico/Xochimilco & Christian Plantin, CNRS, Université de Lyon2.
L’argumentation par l’émotion  : la campaña del miedo ( Mexico 2006)

Cette communication présente d’une part une analyse de cas portant sur une stratégie argumentative émotionnelle mise en œuvre au cours d'un épisode important de la campagne présidentielle mexicaine de juillet 2006 ; elle développe d’autre part une théorie et une méthode d'analyse de données multimodales, ainsi qu’une approche intégrée de la dimension argumentative et de la dimension émotionnelle du discours. L'analyse n'est pas orientée vers la critique, mais elle peut l'être vers l'éducation.
Les candidats aux élections présidentielles mexicaines de juillet 2006 étaient Andrés Manuel López Obrador (AMLO), du Partido de la Revolución Democrática (PRD), candidat de la coalition Por el bién de todos; Felipe Calderón Hinojosa (qui sera élu), candidat du Partido Acción Nacional (PAN), et enfin Roberto Madrazo, candidat du Partido Revolucionario Institucional (PRI). Pendant la campagne électorale une vingtaine de spots ont été diffusés, et dirigés contre le candidat du centre gauche, AMLO. Cette campagne est connue sous le nom de campagne de la peur, nom qui lui a été donnée par les partisans de celui-ci. Le corpus est constitué de 18 clips diffusés de mars à juin 2006, disponibles sur Youtube > spots contra AMLO. Ces clips sont sponsorisés par trois organisations opposées à AMLO : le Consejo Coordinador Empresarial (CCE); l’Association Armate de valor y vota et le Partido de Acción Nacional (PAN). Deux lignes argumentatives majeures se dessinent dans la campagne : Ad personam (AMLO est associé à Chávez et représenté comme un populiste-extrémiste d'extrême gauche, dangereux, violent, autoritaire) et Ad rem (argumentation par les conséquences négatives : « l'élection de franco conduira le pays à la crise économique, à la révolution et au chaos social »). L’étude de cas porte sur le spot « éste es el segundo piso ». Le contexte politique est alors marqué par les réalisations d'AMLO quand il était maire de Mexico : d’une part le « segundo piso », un nouveau périphérique, et ses « distribuidores » (échangeurs). D’autre part des « pensiones », retraites pour les plus de 70 ans.
(Communication non disponible)

Cinquième séance : Dispositifs institutionnels et médiatiques.

Cláudia Rejanne Grangeiro, professeure, Université Régionale du Cariri, Groupe d'Études sur l'Analyse du Discours (GEADIS).
Le discours du Tribunal Supérieur Electoral Brésilien : images de la démocratie représentative, entre voix et silences.

Comme la plupart des pays d’Amérique Latine, le Brésil est un pays sans grande tradition républicaine, puisqu’il fut une colonie et que l’esclavage y fut pratiqué, officiellement, jusqu’en 1888. Même pendant sa période républicaine, le pays connut des gouvernements qui, le plus souvent, n’avaient pas été élus par le peuple, comme par exemple, dans l’histoire récente, la dictature militaire (1964-1985), appelée ironiquement par ses opposants « La Rédemptrice », car ses promoteurs lui avaient donné le nom de « Mouvement de Rédemption du Brésil ». Durant cette période, on essaya d’éliminer les espaces d’expression du pays. La presse fut censurée, les syndicats et les associations d’étudiants interdits. De nombreux opposants au régime militaire furent tués, torturés, ou « disparurent ». De 1985 à 1989, il y eut un gouvernement de transition, élu indirectement par un « Collège Électoral ». Les élections directes ne réapparurent dans le pays qu’en 1989, par décision de la constitution promulguée en 1988. Cependant, bien que le vote soit obligatoire pour les citoyens de 18 à 70 ans, le taux d’abstention électorale est considéré comme élevé par le TSE (Tribunal Supérieur Électoral). Cette abstention est plus importante encore chez les jeunes de 16 et 17 ans. Par conséquent, en 2007 et 2008, le TSE a diffusé à la télévision et sur internet de petites vidéos publicitaires pour encourager les jeunes à voter, utilisant la métaphore du vote comme «voix » : « La carte électorale est ta voix, utilise-la, fais-toi entendre, décide du futur de ton pays. » Ces énoncés verbaux, associés à des images de jeunes bougeant leurs lèvres « sans voix » construisent un discours sur la démocratie représentative ainsi que sur le « citoyen ». On analysera donc les mécanismes de constitution de ce discours, dans la video du TSE brésilien intitulée « Campagne Carte Électorale », à partir des concepts de l’« école française » d’analyse du discours (discours, sujet, interdiscours), issus des dialogues et des duels (Gregolin, 2004) entre Michel Pêcheux et Michel Foucault, ainsi que des concepts de « silence » et de « silencement » (Orlandi, 1997).
(Lire ici la communication de Cláudia Rejanne Grangeiro)

Paola Costa Cornejo, journaliste, Santiago du Chili
Jean-François Cerisier, Equipe de Recherche Technologique IRMA (ERT 2001) - Université de Poitiers.
Un nouvel espace public sur Internet: la « Révolution des Pingouins »  (Chili, mai-juin 2006)

En mai 2006, 16 ans après le retour de la démocratie au Chili et seulement deux mois après l'installation du gouvernement de Michelle Bachelet, les étudiants des établissements secondaires de ce pays ont été les protagonistes d'un mouvement revendicatif national qui a obtenu une très grande adhésion dans différents secteurs de la société : la « Révolution des Pingouins ». Ces étudiants, intégrant la culture numérique, ont utilisé les moyens technologiques de communication pendant le mouvement. Une des demandes du mouvement des étudiants portait sur la dérogation à la Loi Organique Constitutionnelle de l’Etat (LOCE) promulguée par le dictateur Augusto Pinochet, un jour avant la fin de la dictature, loi qui a libéralisé l’éducation. Cette loi n’a pas été réformée par les gouvernements démocratiques qui ont succédé à la dictature car, en raison de son caractère constitutionnel, il faut réunir pour ce faire les quatre septièmes des votes à la Chambre des députés et des sénateurs. Cette proportion est très difficile à obtenir dans le système binominal des élections. Ainsi, avec la Constitution de 1980 qui n’a pas été réformée elle non plus, le consensus semble être la seule façon de vivre en démocratie avec des lois héritées de la dictature.Deux ans après, il subsiste des traces de leur engagement sur internet. Pour cette recherche, 60 « fotologs » (sorte de blogs) des lyc ées et collèges chiliens ont été analysés. Quel fut le rôle des fotologs dans le mouvement des étudiants ? Quels ont été les liens qu’ils ont réussi à tisser par ce moyen ? Quels types de messages ont-ils transmis ? Ont-ils contribué à créer une communauté virtuelle et comment ? Ce sont les questions abordées par cette recherche. En articulant une série d'entretiens avec une étude des discours (contenus des fotologs), l'analyse montre comment les fotologs ont contribué à l'insertion des étudiants du Chili dans l'espace public (au sens d'Habermas) et comment ils ont permis la création d'une communauté virtuelle, entre les élèves des différents lycées, autour d'une identité et d’une cause communes. Cette recherche repose sur le recoupement de plusieurs démarches méthodologiques : une analyse des contenus d’un échantillon de blogs selon une approche inspirée de la théorie des actes de langage ; des entretiens conduits auprès d’un ensemble d’étudiants acteurs du mouvement et auteurs de posts ; une analyse du réseau constitué par l’ensemble des blogs au moyen d’une cartographie de leurs liens et, enfin, une mise en perspective de l’activité des blogs en fonction de la chronologie du mouvement. Un échantillon de 60 fotologs a été constitué à partir de l’ensemble des blogs créés par les étudiants chiliens au cours des mois de mai et juin 2006 et restant ouverts en octobre 2007, soit un an après le mouvement. Le choix des fotologs repose sur le principe d’une représentation géographique et d’un tirage aléatoire. 100 posts sur les 700 collectés au sein de ces 60 fotologs ont été tirés au hasard pour former le corpus à analyser. L’analyse des posts a été réalisée au moyen de catégories construites selon les théories des fonctions du langage (Jakobson) et des actes de langage (Austin, Searle). 12 catégories ont été élaborées et utilisées afin d’interpréter les types de messages postés, en relation avec la chronologie des faits dans laquelle nous avons établi l’existence de 4 périodes et le contexte communicationnel de diffusion des messages. Un traitement statistique des données a permis de mettre en évidence la significativité de certaines différences de fréquence, et les caractéristiques propres à la construction et à l’évolution du discours protestataire. Une analyse des liens tissés entre tous les fotologs (« amis favoris ») ont permis de dresser (avec le logiciel Pajek) une cartographie du réseau ainsi constitué afin d’identifier des profils de fotologs quant à leur rôle dans la construction des échanges et le déploiement du réseau. Des entretiens approfondis avec 15 étudiants ayant participé à la mobilisation (leaders des étudiants, utilisateurs des fotologs, élèves des régions, administrateurs des fotologs des lycées, élèves) ont complété cette approche et fourni des éléments d’interprétation et de compréhension de l’ensemble des données.
(Lire ici la communication de Paola Costa Cornejo & Jean-François Cerisier - lire ici le iaporama)

Angelica Amado, post-doctorante, Universités Paris 3 CEISME / Paris 12 CEDITEC
Le discours politique d’Ingrid Betancourt vu par la presse écrite colombienne : avant sa séquestration et après sa libération (2007-2008).

De longue date, le conflit civil entre le gouvernement et la guérilla a été une composante de la réalité sociopolitique en Colombie. Ce facteur fait surgir des acteurs politiques à la recherche de solutions. Ils deviennent des personnages importants de l’actualité nationale, déclenchent des événements, se créent un statut de leader. Lors de sa campagne présidentielle, Ingrid Betancourt — candidate du parti libéral Verde Oxigeno — tient un discours politique dont un des piliers est la séquestration des otages. Elle s’approprie ce sujet épineux, récurrent dans les élections à la présidence en Colombie. Son discours colporte un champ lexical lié au droit à la liberté dans un pays dit démocratique, et réagit à des faits réels nationaux en rapport avec la guérilla des FARC. On sait que les risques pris par la candidate ont finalement provoqué sa propre séquestration. Suite à sa libération, elle poursuit le discours interrompu depuis plus de six ans, ajoutant au contenu de celui-ci son témoignage de victime. La presse écrite (et plus récemment Internet) l’avait suivi dès sa campagne présidentielle, et la suit toujours aujourd’hui. Par l’action de cette presse, les événements liés à la séquestration et à la libération d’Ingrid Betancourt donnent fort probablement une autre dimension à son discours politique, celle d’un acteur politique héroïsé sur la scène nationale et internationale. Notre étude portera sur le support internet du journal colombien « El Tiempo » (Section archive d’informations), et nous proposerons dans un premier temps une analyse thématique du discours d’Ingrid Betancourt (événements, champs lexicaux, positionnement, intentions). Dans un second temps, nous appliquerons l’analyse de la transformation journalistique de l’information à des fins politiques d’après Roger Mucchielli (2006). Nous examinerons les articles d’avant la séquestration et d’après la libération. Nous procéderons au repérage des événements de l’actualité colombienne évoqués, des champs lexicaux sur lesquels le discours d’Ingrid Betancourt a été construit, des positions prises par cet acteur politique face aux événements et des intentions formulées lors de ses interventions publiques. Nous comparerons son discours d’avant et d’après sa séquestration et nous nous interrogerons sur l’évolution de son contenu. Enfin, nous proposerons un repérage et une analyse de quelques procédés appliqués par la presse écrite qui transforme les informations autour de cet acteur politique, et son discours même.
(Communication non disponible)

Rosa Elena Garcia Argüelles, professeure, Université de Vera-Cruz
Patricia Andrade del Cid, professeur, Université de Vera-Cruz.
La presse veracruzaine : analyse communicationnelle du discours politique au Mexique (2003-2006).

Notre analyse porte sur la presse de la région de Veracruz au Mexique de 2003 à 2006. L’Etat de Veracruz longe le golfe du Mexique, à l’est du pays. La partie continentale s'étend sur 72 815 km2 et les iles occupent une surface de 58 km2. La ville de Veracruz compte environ 8 millions d'habitants. L’objectif est de dévoiler certains traits de la culture politique de cette région en partant de la question suivante : comment les journalistes construisent-ils l’espace public veracruzain ? L’étude peut nourrir une réflexion sur les pratiques aboutissant à la sélection des événements et sur la façon dont ils sont présentés et exprimés dans la presse. Le référent qui occupe le plus de place dans l’actualité de la presse veracruzaine est de nature politique. Sans jamais opposer les journalistes ni les étiqueter comme démocrates (impartiaux, objectifs, éthiques) ou conservateurs (et influencés par l’autoritarisme), nous essayons à partir de nos catégories, d’identifier les lignes qui les opposent dans leurs pratiques discursives.
Partant du fait que les nouvelles de presse sont un instrument pour approcher les représentations politiques et éventuellement prévoir les comportements sociopolitiques, nous proposons une analyse de contenu de 782 articles, échelonnés de 2003 à 2006. Notre étude montre que l’espace public représenté par la presse dévoile certains traits de la culture politique de la région de Veracruz, entre autoritarisme et démocratie, car la référence des récits renvoie à « l’actualité des relations de pouvoir entre citoyens et comportement des institutions ». L’analyse de contenu met en évidence quatre grands thèmes inhérents à la représentation de l’espace public veracruzain : 1) La dénonciation des problèmes sociaux, 2) La dénonciation d’ « actes de corruption » 3) La culture 4) Le pouvoir (sous la forme de la promotion et de l’éloge des actions des gouvernants, du gouvernement, des candidats, des partis politiques au pouvoir, etc.) Notre analyse permet de penser qu’il existe encore chez les journalistes de la presse locale une pratique de l’éloge et de la promotion du pouvoir, pratique héritée d’une conception autoritaire du journalisme. Des représentations qui oscillent entre démocratie et autoritarisme coexistent dans la culture politique de la région de Veracruz. (Communication non disponible)

Yeny Serrano (Doctorante, Université de Genève).
Le conflit armé en Colombie dans les journaux télévisés nationaux.

En contexte de guerre, les informations que les médias de masse diffusent sont déterminées non seulement par des facteurs propres au fonctionnement de ceux-ci, mais également par les contraintes qu’imposent la situation de confrontation. Puisque les journalistes sont rarement à l’origine des informations qu’ils communiquent, ce sont les sources informatives (témoins, victimes, autorités, etc.) qui décrivent en premier lieu les événements. Dans ce contexte et lorsque les acteurs armés jouent le rôle de sources, cette première description de la « réalité » est déterminée par des objectifs militaires. En effet, tout acteur social qui utilise la violence dans un but politique doit légitimer ses actions. Pour cette raison, toute guerre, en plus des opérations militaires classiques, entraine des opérations psychologiques comme la propagande, la censure, la terreur et la diffusion de fausses informations. L’objectif de ces opérations est de dissuader l’ennemi de participer à une confrontation armée, de ruiner son moral au combat, de convaincre la population civile de la légitimité de la guerre, de renforcer et de maintenir le moral des troupes et de ruiner l’image et la cause de l’adversaire. Dans cette logique, les médias représentent l’un des principaux moyens pour véhiculer les messages conçus dans le cadre des actions psychologiques. Les discours fournis par les sources (armées ou non) sont recadrés par les journalistes qui décrivent et expliquent la « réalité » selon les règles journalistiques et mettent en scène ces discours dans des dispositifs médiatiques (presse, radio, télévision, internet). Certes, le travail des professionnels de l’information est conçu dans le but d’informer la population. Toutefois, les journalistes doivent veiller à maintenir des relations privilégiées avec leurs sources tout en respectant les exigences de rentabilité des médias. Ainsi, cherchant à comprendre comment les médias de masse nationaux informent sur le conflit armé en Colombie, nous travaillons sur un corpus constitué d’émissions des journaux télévisés nationaux (JT) diffusés dans ce pays, à l’horaire de plus grande audience, du lundi au vendredi. Étant donné l’impossibilité d’accès aux archives de ces JT, nous avons procédé à l’enregistrement des émissions du 12 au 15 juin 2006 ; du 11 au 15 décembre 2006 ; du 25 au 29 juin 2007 ; du 10 au 14 décembre 2007 et du 16 au 20 juin 2008. Ces dates ont été choisies au hasard sachant que les médias colombiens accordent une importance toute particulière au conflit interne, traité tous les jours et très souvent, en première partie du JT. Au total, notre corpus est constitué de 453 informations télévisées sur le conflit. Procédant à une analyse de contenu, nous avons commencé par classer notre corpus selon le type d’information (brève, nouvelle, reportage, interview, éditorial), selon les thèmes et selon les modalités linguistiques utilisées pour désigner le conflit armé, les acteurs armés et leurs actions. Ensuite, nous avons choisi des extraits significatifs de ce corpus, soit parce qu’ils illustrent des régularités dans la manière d’informer, soit parce qu’ils constituent des cas particuliers. Ces extraits sont analysés en détail selon la démarche de l’analyse de discours. Nous tenons également compte des images. Ainsi, il s’agit d’identifier l’influence de la logique militaire et de la logique médiatique sur la production et la diffusion des discours destinés à informer les citoyens colombiens sur le conflit armé interne. Nos analyses préliminaires permettent de constater que les sources officielles dominent et restreignent l’accès de leurs ennemis aux médias de masse, en se dotant de dispositifs légaux ou en exerçant des pressions sur les journalistes. Les acteurs armés irréguliers ne sont que peu ou pas visibles dans ces médias. En conséquence, les critères de qualité journalistique, comme la pluralité des sources, le recoupement de l’information et la distanciation énonciative ne sont pas respectés. De ce fait, un constat semble s’imposer : la violence politique armée est traitée de telle façon que les informations télévisées légitiment la violence exercée par l’État et ses forces armées, sans pour autant mentionner les origines et les enjeux du conflit. Cela est dû au fait que dans un tel contexte, la logique de communication de guerre l’emporte sur la logique commerciale et démocratique des médias de masse. En d’autres termes, la version du conflit à laquelle les téléspectateurs ont accès correspond à la version imposée par les acteurs armés, qui bénéficient de la quasi-totalité de la visibilité médiatique.
(Article publié dans la revue Mots, numéro 97, 2011)


Patrick Charaudeau, Professeur, Université Paris 13, Centre d'analyse du discours (CAD).
Conclusion du colloque : Populisme et démocratie en Amérique latine.

(Lire ici la communication de Patrick Charaudeau)

 

 

 

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m.a.j.
16/01/11